LE CRI : Un appel pour le Nord Kivu – (Hélène Madinda, Présidente de l’asbl CongoForum)

Alors que des pans entiers de territoires dans le Nord Kivu sont soumises
par les armes à l’esclavage minier, Joseph Kabila, le président imposé à la RDC par la fraude électorale[1],
dans son discours du 15 décembre  devant le Parlement réuni en congrès, a
longuement évoqué  la situation sécuritaire  dans le Nord Kivu
 pour lancer un appel à la mobilisation générale de tous les congolaises
et congolais afin de contrer la menace de balkanisation qui guette le pays et
sauver ce qui est le plus cher  à tous les congolaises et congolais : le
Congo. Et il rassura le peuple congolais en ces termes: « Désormais, au-delà de toutes nos actions
pour le développement, notre priorité sera la défense de la patrie.
La défense rien que la défense, avec une armée nationale apolitique et professionnelle
 ». 

 

Comment ignorer que les tragiques événements de l’Est ne lui servent à rien d’autre qu’à
sonner l’appel au grand rassemblement patriotique autour du drapeau. Le pouvoir
compte visiblement obtenir ainsi, à la faveur d’un sentiment d’urgence, un
soutien qu’il ne peut tirer d’une légitimité démocratique qui lui manque. C’est
peu après les élections, alors que les commentaires négatifs tombaient de
partout, que JKK a brusquement décidé un retournement des alliances. De fin
2008 à fin 2011, la thèse officielle était que le Rwanda était un allié, que
tous les ennuis venaient du FDLR et que Ntaganda était indispensable à la paix.
Subitement, le Rwanda devenait un ennemi et il fallait arrêter Bosco Ntaganda.
Cela prenait dans le sens du poil l’opinion congolaise et la communauté
internationale. Mais il ne pouvait échapper à personne que cela allait rallumer
la guerre, d’autant plus qu’au lieu d’arrêter Ntaganda par surprise, on annonça
à grand bruit l’intention de le faire. Le bandit n’a bien sûr pas attendu les
gendarmes ! Comment ne pas en retirer l’impression que le pétard qui a
éclaté à Goma a été allumé volontairement et en connaissance de cause par le
pouvoir, en vue, précisément, de créer la psychose d’urgence nationale dont il
s’efforce, maintenant de profiter. Il lui sera maintenant facile de prétendre
que « l’opposition tient le même langage que le M23 ».

 

Pendant ce temps se prolonge au
Kivu ne guerre de basse intensité qui n’est que la reprise des méthode les plus
sinistres de Léopold II : la terreur, que l’on fait régner par la
violence, le viol et le meurtre, procure du travail gratuit qui profite à la
bourgeoisie congolaise installée au pouvoir, à celle des pays voisins et,
finalement, au grand capital international maître d’œuvre de cette sinistre entreprise.

 

Comment y croire alors que cette même promesse est faite en vain depuis
2006 et année après année jusqu'à ce jour !

 

Le 6 décembre 2006, le président déclarait :
« En ce qui concerne la sécurité de
l’Etat, je rassure les Congolaises et les Congolais de ma ferme
volonté d’éradiquer toute forme d’insécurité et de terrorisme urbain. Ce
qui se passe actuellement à l’Est du pays, avec les bandes armées qui n’ont pas
encore compris que ce temps est révolu, sera ma préoccupation principale
».

 

Le 6 décembre 2007, il affirmait
 devant le Parlement: « Ainsi,
sur les cent quarante-cinq territoires que compte la RD Congo, seuls les
territoires de Rutshuru et de Masisi au Nord-Kivu comptent encore en leur sein
quelques foyers de tension. Nos frères et sœurs du Nord et du Sud Kivu ont trop
souffert, victimes de viols, vols, assassinats et exactions diverses. Nous
devons impérativement et urgemment mettre fin à ces souffrances. Ce sera
bientôt chose faite, quoiqu’il en coûte. En attendant, nous leur devons protection,
assistance et sécurité. Le gouvernement est déterminé à tout mettre en œuvre
pour rétablir rapidement et durablement la paix et la sécurité dans les deux
territoires encore troublés du Nord Kivu
».

 

Le 13 décembre 2008 , iI rassurait  nos
compatriotes du Kivu et de la Province Orientale, en ces termes : « A vous tous, femmes, hommes, et enfants du
Kivu et de la
Province Orientale qui avez été forcés d’abandonner vos
maisons et vos villages à cause de la guerre injuste qui nous est imposée, et à
vous tous, enfants de la
République victimes d’atrocités et d’injustices, où que vous
soyez, je tiens à vous rassurer que la Nation congolaise ne
faillira jamais à son devoir de se battre pour que justice soit faite
» ! 

 

Le 7 décembre 2009 :  il persistait : « je tiens à dire à ces agitateurs de troubles
impénitents qu’ils n’ont aucune chance de réussir. Et à ceux des signataires
des Accords de Paix du 23 mars dernier qui seraient tentés par une nouvelle
aventure, je rappelle, qu’au terme de l’amnistie leur accordée, toute
récidive, mettrait fin au pardon du peuple congolais
 ». Il mit en
garde  les « champions
tristement célèbres en réédition perpétuelle de rébellions, en violations
massives des droits de l’homme, en viols des femmes et de petites filles, ou en
pillages des ressources de notre sol et sous-sol
 », selon ses propos,
: « …. il y a un temps pour tout ;
un temps pour dialoguer et un temps pour appliquer la loi. Je ne renierai pas
mon serment en permettant que l’impunité devienne une règle, sous prétexte
d’esprit de dialogue ou de quête de réconciliation
».

 

Le 10 décembre 2010:  Il enfonça le clou :
 « Le deuxième défi en
importance est celui du contrôle et de la maîtrise de nos frontières
terrestres, aériennes, fluviales et maritimes. A ce sujet, je tiens
à rassurer aussi bien nos voisins que le peuple congolais. Aux
premiers, je tiens à dire que notre taille devait être pour eux, une source
d’apaisement. La RD Congo
n’a aucune revendication territoriale au-delà du tracé de ses frontières
héritées de la colonisation. Au peuple congolais, je réitère mon serment de
veiller à ce qu’aucun centimètre carré du territoire national n’échappe jamais
à sa souveraineté
 ».

 

Et pourtant les multirécidivistes ont repris du service, occupent des
territoires du Nord Kivu,  et ont obtenu que le gouvernement
 congolais soit astreint à négocier  avec eux ! 

 

Le monde entier est témoin du constat que le chef suprême des Forces
Armées Congolaises est dans la totale impossibilité de sévir contre "les  champions tristement célèbres
en réédition perpétuelle de rébellions, en violations massives des droits de
l’homme
"  et de  concrétiser sa volonté de défendre
effectivement   les populations civiles  et l’intégrité territoriale
du pays mais  a choisi de se réfugier derrière de funestes atermoiements.
Ou peut-être ne le veut-il pas… La guerre est nécessaire à la maximisation des profits de la bourgeoisie dont il fait partie, au même titre que toute la classe politique…

Pendant que les projecteurs
sont braqués sur Goma et les absurdes et ineptes négociations de Kampala (autre
moyen de perpétuer « l’insécurité » génératrice de profits, les hommes
demains du grand capital (en uniforme ou non, congolais ou non) occupent des
territoires du Nord Kivu  dans lesquels ils continuent de faire subir l’indicible
aux femmes,  filles et  enfants   et  où plus d’un million de déplacés
internes vivent dans des conditions infrahumaines, loin des caméras mais
 tout de même en présence de l'imagerie satellitaire.

 En dépit du fait
que  l’information sur ces drames existe et est accessible aujourd’hui et
du fait que  les ONG de droits humains (locales et internationales), les
experts de l’ONU, la presse spécialisée en parlent, en dépit  du fait que
des statistiques sont publiées et que les noms des seigneurs de guerre, les
carrés miniers qu’ils contrôlent, les réseaux mafieux locaux, nationaux et
internationaux qui profitent du chaos pour s’enrichir soient connus, aucune
sanction dissuasive ne tombe de la part des puissances mondiales et de l'UE

Qui sauvera ces populations du
Nord Kivu livrées à elles-mêmes  dans la beauté sublime des eaux étincelantes
de ses lacs ?

 



[1] Les élections du 28/11/11 ont donné des résultats qui,
en réalité, sont encore inconnus. Les fraudes les plus importantes ayant eu
lieu au niveau des centres de compilation, on ne pourrait se rapprocher de la
« vérité des urnes » qu’en se référant aux PV des bureaux de vote,
dernière opération publique et vérifiée par des témoins. Les chiffres de la CENI ne s’accompagnaient pas
de ces PV, les chiffres publiés par l’UDPS, non plus. L’Eglise n’a jamais
publié les résultats partiels constatés par ses observateurs. On n’a donc que
des résultats dont la crédibilité est nulle. Les législatives ont été dignes de
la présidentielle, sinon pires. Mais la
CSJ a entériné les résultats de la présidentielle et des
législatives. Le temps s’est écoulé, les résultats des élections demeureront à
jamais inconnus. Toute autorité prétendue ne relève plus que de la force, de
l’intimidation, d’un coup d’état de fait. Le principal ressort de ce coup
d’état consiste à progresser, comme si de rien n’était, dans les tâches qui
suivent normalement une élection et à mettre le pays et le monde devant le fait
accompli. 

 

 

 

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